Publié le 4 juillet 2022
Comment résoudre le conflit alimentation humaine - alimentation animale – bioénergies
Le conflit entre alimentation animale, alimentation humaine et bioénergies peut se résumer à une question simple : est-il efficace de produire des cultures pour nourrir les animaux si elles peuvent également être utilisées pour l'alimentation humaine ou comme biocarburant ? L'examen de cette question peut nous aider à créer un système plus efficace pour l’utilisation des ressources et nourrir la population.
Il est évident que nous avons besoin de protéines dans notre alimentation, et que les animaux et les plantes peuvent nous fournir ce nutriment. La concurrence entre l'alimentation humaine et l'alimentation animale est déjà complexe, mais la demande d'énergie, qui croît rapidement, joue également un rôle majeur dans cette concurrence.
Le conflit alimentation humaine - alimentation animale - bioénergies fait généralement référence à la tension entre l'utilisation des terres arables pour les cultures comestibles, directement consommées par les humains, l'utilisation des cultures comme ingrédients pour nourrir le bétail, et l'utilisation des terres pour produire de la biomasse pour le carburant. Il est donc clair que l'humanité est confrontée à un énorme défi : nourrir une population croissante tout en répondant à l'explosion des besoins énergétiques avec des ressources terrestres en diminution.
Priorité à l'alimentation humaine sur l'alimentation animale ?
Pendant des décennies, nous nous sommes concentrés en grande partie sur l'amélioration de la qualité de l'aliment afin d'améliorer la productivité et l'efficacité du bétail, car la demande en protéines animales était en augmentation. Malheureusement, une partie des aliments de haute qualité est fabriquée à partir de matières premières également comestibles par l'Homme. Par conséquent, cette pratique a déclenché une concurrence pour les ressources naturelles entre la production d'aliment de nutrition animale et la production de denrées alimentaires.
Alors, quel est le moyen le plus efficace de cultiver des protéines ? Cela dépend de plusieurs facteurs et la manière dont cette question sera abordée au cours des prochaines décennies sera déterminante pour nourrir durablement les 9,7 milliards de personnes attendues d'ici 2050. La réponse évidente est-elle que l’alimentation humaine passe toujours en premier ?
La réponse « logique » n'est, la plupart du temps, pas évidente du tout. Il existe une multitude de facteurs qui déterminent si l'utilisation la plus efficace des ressources est l'alimentation humaine, l'alimentation animale ou les bioénergies. Certains des facteurs clés sont le type de terre disponible, le type de cultures qui peuvent pousser sur un sol spécifique, l'efficacité de l'utilisation de l'ensemble de la culture, y compris ses résidus, l'animal à nourrir et si les déchets que les humains ne peuvent pas consommer peuvent être utilisés par les animaux.
Dans certains cas, les cultures constituent une utilisation plus efficace des terres aux fins de la production de protéines. Cependant, on trouve également de multiples exemples où les animaux sont plus efficaces dans l'utilisation de la terre pour produire des protéines. Par exemple, l'élevage de vaches laitières sur un sol tourbeux s'avère être une utilisation beaucoup plus productive de la terre que d'essayer d'y faire pousser des cultures de qualité humaine. D'autres exemples sont basés sur l'apport en nourriture. Les poules pondeuses sont capables d'utiliser des nutriments que les humains ne peuvent pas utiliser. Si les animaux sont capables d'utiliser les déchets dans leur alimentation, cela pourrait contribuer à réduire considérablement la quantité de nourriture jetée chaque année pour cause de détérioration. Les Nations Unies estiment qu'environ un tiers de la nourriture produite chaque année est gaspillée. Les insectes pourraient également jouer un rôle essentiel dans la consommation et l'utilisation des flux de déchets, en fournissant une alimentation aux animaux comme aux humains.
Terres marginales : fourrage ou combustible
Le rôle du bétail dans la production durable de protéines n'a pas fait l'objet de recherches suffisantes lorsqu'il s'agit d'explorer la meilleure façon d'utiliser la biomasse dans l'alimentation humaine et animale. La production de carburant ajoute une dimension supplémentaire au compromis déjà difficile à trouver pour la biomasse.
Les besoins en biomasse pour les énergies renouvelables augmentent rapidement et la concurrence avec la production d’alimentation animale devient féroce. Les objectifs nationaux en matière d'énergies renouvelables issues de la biomasse entre 2025 et 2050 varient de 30 à 50 % de la consommation totale d'énergie. Une vision globale de la biomasse et des ressources renouvelables issues des cultures pour la production et la consommation de bioénergies pour 2025 et 2050 montre une multiplication par cinq d'ici 2025 et devrait ouvrir la voie à une autre multiplication par cinq d'ici 2050.
Planter des cultures bioénergétiques sur des terres qui ne conviennent pas à la production alimentaire, appelées aussi terres marginales, peut sembler être une solution au problème. Cependant, quelle est la meilleure utilisation de ces terres marginales ? Devrions-nous laisser les animaux paître sur ces terres, sont-elles les mieux adaptées aux bioénergies avancées, ou la préoccupation croissante pour la conservation de la biodiversité est-elle le problème le plus urgent à résoudre via ces terres ?
Les études menées dans le domaine de l'élevage concluent que les terres marginales inadaptées à la production de récoltes alimentaires devraient être utilisées comme pâturages pour l'élevage afin de réduire la concurrence avec ce type de récoltes. Si cela peut réduire la dépendance du bétail à l'égard des terres arables, cela se fait néanmoins au détriment des émissions de gaz à effet de serre, car le bétail est l'une des espèces animales dont l'efficacité de conversion des protéines est la plus faible. Du point de vue des études dans le domaine de la bioénergie, les terres marginales sont une solution clé pour cultiver des plantes bioénergétiques sans affecter la production alimentaire.
Pour complexifier encore le débat, l’alimentation humaine, l’alimentation animale et les bioénergies ne sont pas seulement en concurrence pour les terres arables, mais aussi pour des ressources telles que l'eau, le travail et le capital. Dans le cas de ce dernier, des niveaux élevés de subventions pour un secteur plutôt qu'un autre, peuvent facilement détourner le capital vers le mauvais choix et peut s'avérer être un coût social global pour la société.
Ce que l'avenir nous réserve
La répartition de toutes ces ressources limitées pour l'alimentation animale, humaine ou pour les bioénergies dépend de quelques facteurs : la transition énergétique et le rôle des biocarburants (de la prochaine génération), les rendements des cultures, la quantité d'aliments comestibles par l'Homme donnée au bétail, l'inefficacité des chaînes d'approvisionnement alimentaire et, enfin et surtout, la composition de l'alimentation humaine à l'avenir.
Lors de la recherche de la solution la plus efficace, il y aura toujours des facteurs limitants qui, dans un avenir proche, ne changeront pas. Nous devons résoudre ce conflit entre l'alimentation humaine, l'alimentation animale et les bioénergies de manière holistique, car les terres sont limitées, la population humaine est en expansion et nous avons tous besoin de protéines. Nous devons prendre conscience que notre société doit être ouverte à des possibilités allant au-delà de ce que nous considérons comme « normal » aujourd'hui. Nous devons faire preuve d'esprit critique et chercher des moyens de transformer les inefficacités en opportunités. Si nous n'examinons pas les problèmes sous tous les angles, nous ne serons pas en mesure de trouver une solution durable.